FAQ'tuellement infirme

Voilà un an que cette infolettre fait vrombir ses moteurs dans vos boîtes mail, déconstruisant les clichés sur le handicap à coups de ciseaux. Pour fêter cela, Malick Reinhard se plonge dans vos questions les plus mémorables. Joyeux handi'versaire !

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Un an que mon infolettre « Couper l'herbe sous les roues » zigzague dans vos boîtes mail et profils LinkedIn. Pour marquer ce premier anniversaire, j'ai compilé les questions les plus percutantes reçues à travers la francophonie. Une occasion de lever le voile sur ces questions pertinentes ; d’autres… disons… créatives.

De ma façon d'écrire grâce à la reconnaissance vocale aux relations avec mes auxiliaires de vie, en passant par mes sensations physiques, je réponds sans détour aux interrogations des lectrices et lecteurs. Je profite de ce tour d'horizon pour bousculer les idées reçues sur la « guérison miracle » que beaucoup me souhaitent, et la marche comme unique horizon d'épanouissement.

Cette première année témoigne de ma volonté éditoriale : aborder avec authenticité des sujets de société complexes, tout en maintenant un dialogue constructif avec les personnes intéressées par les questions de handicap — ou pas concernées, justement. Enfin bref, un très joyeux handi'versaire !

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Ça y est ! La voilà qui fête son premier anniversaire. Petite infolettre deviendra grande. Elle fait ses premiers pas, là, devant vous… et assurément bien avant moi. Un an déjà que « Couper l’herbe sous les roues » zigzague entre vos boîtes mail et profils LinkedIn, telle une tondeuse rebelle dans un jardin à la française. Douze mois à déconstruire les clichés, à faire grincer quelques dents et rouler quelques yeux. Une année que vous me posez des questions — certaines pertinentes, d’autres… disons… créatives. De celles qui vous font hésiter entre rire jaune et pleurer grenat.

Alors, pour célébrer ce premier tour de roue, j’ai décidé de compiler vos interrogations les plus mémorables. D’enfants, d’adultes, d’enfultes ; ces questions qui me réveillent parfois la nuit (non, pas du tout), celles qui m’ont fait recracher mon café (je ne bois pas de café), et même celles qui m’ont inspiré des réponses que je n’ai jamais osé dire à voix haute (ça, c’est vrai). Jusqu’à aujourd’hui. Attachez vos ceintures (comme disent les vieux forains), on part faire un tour dans les méandres de la curiosité humaine. Et, « promis », il n’y aura que deux ou trois (mauvaises) blagues (?).

Illustration de style Simpson montrant un homme musclé en fauteuil roulant, torse nu avec un nœud papillon (comme un Chippendales), souriant malicieusement. Il est représenté comme faisant partie d'un grand gâteau d'anniversaire à la crème rose, décoré de bougies allumées. Le gâteau est présenté sur un plateau gris avec une part découpée, sur fond vert turquoise.
Midjourney: "A muscular blond man (Chippendales) in his wheelchair and wearing a bow tie around his neck, sits next to a huge birthday cake with pink icing and candles, Simpsons-style."

🖊️ « Comment tu fais pour écrire tes articles ? T’as un ordinateur spécial ? » | Noa, Suisse

Ah, la grande question ! Merci, Noa. Alors, déjà, soyons clairs : je n’ai pas d’ordinateur venu de l’espace ni de clavier développé par la NASA. J’utilise simplement la reconnaissance vocale. Alors certes, parfois, elle confond un chaleureux « coucou » avec un épicé « couscous » — mais qui suis-je pour contrarier les envies culinaires de Siri ou Superwhisper ? Wallah.

Quand cette brave reconnaissance vocale décide de prendre sa pause syndicale, je me rabats sur une souris pilotée par la bouche. Oui, littéralement : une sorte de petite paille installée juste devant mes lèvres, qui capte tous mes mouvements avec précision. Bref, c’est mécanique, aussi banal que vous avec votre main. Promis, avec un peu d’entraînement, vous pourriez le faire aussi.

Et pour couronner le tout, j’ai un clavier visuel, affiché à l’écran, au cas où j’aurais une irrésistible envie d’écrire lettre par lettre, ou bien si j’ai du temps à perdre — par exemple quand il s’agit d’expliquer pour la centième fois comment j’écr… Allez, question suivante !

Entre Siri et moi, c’est une histoire de bras… et d’autonomie
Pendant que les ChatGPT et compagnie s’écoutent parler, Malick Reinhard fait l’éloge de Siri, son assistant vocal poussiéreux… mais fidèle. Oui, cette IA limitée qui, sans disserter sur le sens de la vie, lui permet simplement de rester autonome. Une ode à l’efficacité sans génie ?

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🪶 « Mais du coup, vous ne sentez vraiment rien… rien du tout ? » | Anonyme (et courageux), France

Rassurez-vous, tout fonctionne parfaitement : joie, colère, tristesse, peur… surprise, même, face à certaines questions ! Bref, tout est bien intact ! Pour ce qui est des sensations physiques, soyons précis : ce n’est pas parce que je ne bouge pas que je ne ressens pas. Mon corps a simplement un manque de force musculaire qui limite fortement ma motricité. Mais je n’ai jamais subi de trauma neurologique qui me paralyse, contrairement à certaines personnes devenues paraplégiques, ou tétraplégiques, à la suite d’un accident, par exemple.

Donc oui, vous pouvez me serrer la main sans crainte, ou même me verser une théière bouillante sur la jambe — si ça vous tente vraiment. Mais attention : je ressens très bien la douleur — et mon avocat ressent encore mieux les opportunités financières offertes par ce genre d’incidents. À vous de voir !

Handica’peur dans l’Histoire
Pourquoi a-t-on peur du handicap ? Malick Reinhard rencontre Pierre Margot-Cattin, ethnologue et professeur à la HES-SO du Valais en Travail social.

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😴 « Quand vous dormez, vous restez dans votre chaise ? Et quelqu’un doit vous tourner la nuit ? » | Romain, Suisse

Tout à fait ! Merci, Romain ! Pour dire vrai, je suis comme un steak haché : pour éviter de finir trop grillé sur un côté, ma tendre moitié me retourne lorsque je lui hurle dessus en pleine nuit… mais toujours avec amour ! Au début, c’était franchement étrange ; maintenant, je me sens comme une star de Hollywood dont le sommeil mérite une équipe technique complète. Étrangement, je n’ai toujours pas trouvé comment devenir millionnaire en dormant ainsi.

Cela dit, je suis suffisamment snob pour exiger de dormir dans un lit (le mien, en plus) plutôt que dans mon fauteuil roulant. Même si, parfois, j’avoue, je culpabilise un petit peu d’être un steak haché de bœuf Wagyu premier choix… Mais bon, on ne choisit pas toujours ses luxes dans la vie, que voulez-vous !

Le cœur a ses raisons que les valides ignorent
« Ça implique quoi, de sortir avec moi ? » De cette question posée à sa moitié, Malick Reinhard tire le fil d’une réflexion sur l’amour et le handicap. Avec la sexo-pédagogue Catherine Agthe Diserens, il explore ces relations, encore rares et inégales selon les handicaps, qui défient les préjugés.

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🕛 « Vous avez vraiment besoin de vos auxiliaires de vie 24h/24 ? Vous n’arrivez pas à être un peu autonome, des fois ? » | Françoise, Belgique

Ça dépend… Est-ce un problème ? Et, autonome, sur quels points, au juste ? Difficile de répondre, parce que, parfois, honnêtement, je ne sais pas vraiment qui est l’auxiliaire de qui. Sont-ce elles et eux qui m'aident, ou moi qui aide mes auxiliaires à m’aider ? Bonne question, tiens… Je vais y réfléchir ! Merci beaucoup, Françoise.

Mais pour être « sérieux » un instant : non, je n’ai pas recours à leur aide 24 heures sur 24. D'abord, parce que je n’aurais tout simplement jamais les financements nécessaires. Et puis aussi parce que, parfois, figurez-vous que j’ai envie d’être seul, ou avec mes proches. Et, surtout, il me faut absolument des moments sans mes auxiliaires de vie pour pouvoir me plaindre librement… de mes auxiliaires de vie. Vous voyez la logique ?

Handicap : comment être le boss quand c’est ton employé qui te met en pyjama ?
Patron d’une PME de sept employés depuis ses 16 ans, Malick Reinhard livre un récit sur sa relation paradoxale avec ses auxiliaires de vie. Entre autorité et dépendance, il jongle avec les rôles : tantôt chef d’entreprise, tantôt otage consentant d’une start-up pas comme les autres.

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📿 « Excuse-moi, mais... t’as déjà essayé [insérer ici votre meilleur traitement expérimental à base de médecine douce] ? J’ai entendu que ça avait fait remarcher une fille, une fois… » | Moult personnes, à travers la francophonie

Ah, cette fameuse question ! Merci, c’est gentil, mais déjà : suis-je malade ? Bonne question. De votre point de vue, clairement oui ; du mien, je suis né comme ça, exactement comme je suis né métis. J’ai déjà envisagé un traitement miracle pour devenir blanc, éviter le racisme, et cætera, mais ça m’a paru aberrant. J’ai eu le même sentiment par rapport à mon handicap.

Certes, je prends quelques traitements pour pallier certaines problématiques physiologiques, mais soyons clairs : ce qui me handicape vraiment au quotidien, c’est moins la symptomatique médicale que le regard maladroit ou gêné de la société.

Mais bon, si vous insistez, je suis prêt à tenter ce remède à base d’huile essentielle de licorne bio. Payez-moi juste le billet d’avion pour Lourdes, j'en discute avec Bernadette Soubirous (elle a de l'expérience en la matière), et je vous tiens au courant. On fait ça ?

Lettre à l’infirmier qui a manqué de me faire mourir
Lettre à l’infirmier qui a failli lui ôter la parole. Malick Reinhard revit un moment crucial des soins intensifs, où une décision médicale aurait pu le réduire au silence. Un récit intime sur l’importance de la communication, les dilemmes éthiques et la résilience face à l’adversité médicale.

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🦿 « Est-ce que vous avez déjà envisagé ce système qui consiste à vous mettre une puce dans la tête pour vous faire remarcher ? Je crois que ça a même été inventé en Suisse… » | Serge, France

Excellente question, Serge. J’en parlerai également avec Bernadette Soubirous — mais, pas certain qu’elle y comprendra grand chose. Et je me la pose souvent cette question, aussi : mais est-ce que j’ai vraiment envie de marcher ? Est-ce que, finalement, marcher, c’est ça qui donnerait du sens à ma vie ? À écouter le discours ambiant, oui, clairement, il semblerait que la seule façon valable d’exister soit d’avancer debout. Mais franchement, selon moi, pas tellement. On gagnerait infiniment plus à respecter les normes d’accessibilité qu’à essayer de m’implanter des puces dans le cerveau ou à vouloir absolument me sangler dans un exosquelette futuriste. Même si demain on me mettait debout avec tous ces dispositifs technologiques, je ne marcherais jamais « normalement » — je serais toujours observé, scruté, questionné. Bref, je serais toujours « un handicapé ».

Alors, on ferait quoi ensuite ? Il serait bien plus intelligent de miser sur l’acceptation des différentes formes de mobilité, y compris celles assises. Parce que, si demain, on décide simplement d’installer des rampes partout et de considérer que les êtres humains ont divers moyens d’être en mouvement, debout ou assis, alors il n’est plus nécessaire de marcher pour exister pleinement. Ce serait beaucoup plus simple à réaliser, moins invasif, nettement moins cher, et surtout infiniment plus utile à tout le monde.

Et puis, soyons francs : même avec la meilleure puce du monde ou un exosquelette dernier cri, mon corps est désormais trop atrophié pour supporter mon propre poids. J’ai trop de séquelles, trop de stigmates liés à mon handicap. Je ne pourrais simplement pas marcher. Alors, Serge, gardez votre puce, voulez-vous et aidez-moi plutôt à convaincre le monde de devenir enfin accessible : ça, ce serait déjà une très belle révolution… suisse, si vous voulez.

Quel pays francophone est le plus “handi’friendly” ? – Couper l’herbe sous les roues
Le journaliste Malick Reinhard part à la découverte de 5 pays francophones pour évaluer la qualité de vie des personnes handicapées. Suisse, Canada, France, Belgique, Luxembourg, ce dossier propose une analyse de l’application de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH).

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💬 « Tu préfères qu’on te dise "personne handicapée" ou "personne en situation de handicap" ? J’ai peur de mal faire... » | Clara, Canada

J’ai justement déjà consacré tout un article à ce sujet dans cette infolettre ! En réalité, on peut dire les deux, car ces termes ne désignent pas exactement la même chose. Une « personne handicapée », selon la définition médicale classique, présente des contraintes durables et persistantes qui influencent sa vie quotidienne concrètement, tandis qu’une « personne en situation de handicap » vit avant tout une limitation contextuelle. Autrement dit, le handicap dépend souvent des circonstances : une personne handicapée médicalement parlant ne sera pas constamment en situation de handicap selon l’environnement dans lequel elle évolue.

Inversement, une personne sans handicap diagnostiqué peut très bien se retrouver temporairement en situation de handicap, selon le contexte. Pensez à quelqu’un de myope sans lunettes, à une personne âgée face à la numérisation généralisée, à un allophone qui débarque dans un pays inconnu, ou encore à une agoraphobe perdue dans un festival bondé. En substance, ce n’est donc pas la personne qui crée le handicap, mais bien la façon dont la société est organisée. Ici, lorsque je vous réponds, je suis une personne handicapée, certes, mais je ne suis à aucun moment en situation de handicap !

Bref, pas de stress, vous ne risquez donc pas de mal faire, tant que vous comprenez que c’est avant tout la société qui produit du handicap, et non l’inverse. Mais merci d’avoir posé la question, Clara — ça montre déjà que vous avez tout compris !

Handicapé cherche situation de handicap
Personne handicapée ou personne en situation de handicap ? Au-delà d’une question sémantique, le choix des mots reflète notre conception du handicap.

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🙏 « Je te trouve vraiment courageux de faire tout ça. Tu es un exemple pour nous tous ! » | Vous, toutes les semaines

Ah, le fameux compliment qui revient comme une chanson de Céline Dion à la radio : gentil, sincère, mais honnêtement un peu fastidieux — Soouus le veennt ! En fait, je ne suis pas plus courageux que vous ne l’êtes en vous levant chaque matin pour affronter votre boss ou en supportant vos beaux-parents à Noël. Je ne me réveille pas chaque jour en me disant : « Allez, aujourd’hui, je combats mon handicap pour inspirer le monde ». Non, je me lève pour vivre ma vie, faire mon boulot, payer mon loyer (aussi), et, accessoirement, vous tondre la vie, chaque mercredi.

Roméo Elvis x Le Motel - Drôle de question

Mais malgré tout, derrière cette remarque répétée se cache surtout beaucoup de bienveillance, et ça me touche sincèrement. Alors, merci, vraiment, d’être là chaque semaine, toujours plus nombreuses et nombreux. Merci pour vos maladresses attachantes, vos questions super pertinentes et vos retours constants ! Merci de tout cœur pour cette année passée à couper l’herbe sous les roues. On remet ça, dès la semaine prochaine, promis ?


Journaliste, Malick Reinhard vit avec une maladie qui limite considérablement ses mouvements. Dans Couper l’herbe sous les roues, le Suisse propose chaque semaine analyses, témoignages et enquêtes sur le handicap, une réalité qui concerne une personne sur deux au cours de sa vie.


🙏 Vous avez aimé cet article ? Un petit geste, même symbolique, aide à la pérennité de cette infolettre et rend ce rendez-vous accessible à tout le monde. Connaître ces réalités, c’est aussi garantir votre qualité de vie si, un jour, le handicap sonne à votre porte. Merci du fond du cœur pour votre soutien !

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Tous les mercredis dans votre boîte mail, entre Doctissimo et les codes promo, le journaliste Malick Reinhard déconstruit les clichés liés au handicap avec (auto)dérision et (un peu de) bienveillance.

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