Un peu de recul sur l'Évolution

L’évolution, c’est un concept à double tranchant. Quand elle rime avec progrès pour certains, elle signifie perte d’autonomie pour d’autres. Mais Malick Reinhard refuse ce calcul et pose un regard décalé sur cette étrange trajectoire où le recul devient, parfois, un bond en avant.

Un peu de recul sur l'Évolution
© Mondame Productions
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⏱️ Pour faire court
  • Face à une maladie évolutive, la perte d'autonomie devient une équation quotidienne où chaque geste doit être repensé, recalculé, réinventé.
  • La dépendance croissante, souvent perçue comme une régression, peut paradoxalement générer de nouvelles formes d'indépendance et d'adaptation.
  • L'évolution, contrairement à sa définition darwinienne, ne suit pas une trajectoire ascendante. Elle impose un mouvement inverse qui exige une redéfinition constante des stratégies de vie.

Depuis ma plus tendre enfance, j’ai toujours été passionné par l’acquisition de nouvelles connaissances. Pas forcément dans une salle de classe. Pas forcément dans un amphithéâtre, non plus. Pas forcément le nez dans mes leçons, le mercredi après-midi, à la cuisine. Ou dans ma chambre — je ne voudrais vexer personne. En revanche, j’ai toujours eu cette soif de découvrir de nouvelles choses. Un moteur viscéral. Une envie indubitablement folle, en tout temps, de savoir ce qu’il se passe après, de comprendre l’évolution des faits, ou des concepts.

Pourtant, quand on est atteint d’une pathologie génétique et « évolutive » comme celle qui m’accompagne, on a parfois de bonnes raisons de redouter l’après. Car, comme son nom l’indique, une maladie évolutive… évolue — désolé si vous cherchiez une revue médicale, ça n’est pas ma prétention. Alors oui, et sauf si vous êtes partisane ou partisan d’une conception du monde passéiste ou immobiliste, l’évolution, le progrès, c’est un concept qui semble vraiment positif.

L’évolution, c’est l’Homo erectus qui domine le feu, l’invention de l’écriture par les Sumériens, la Migros qui (ré)invente le thé froid, Alexia Laroche-Joubert qui nous balance Loft Story — bien avant la Tecktonik, les réseaux sociaux, les chorées TikTok, ChatGPT, Magic System, Mike Horn et Elon Musk. Un puits sans fond de progrès. Vraiment positif (?).

Illustration de trois robots humanoïdes en fauteuil roulant, dans un paysage désertique avec tour et falaises orangées.
Midjourney : "A futuristic representation of disability after 2150, pop culture, colorful, fun"

📉 Autonome dans la dépendance

Dans mon cas, le mot « évolution » a toujours eu une certaine notion de restrictions. Enfant, alors le nez dans les fameux devoirs du mercredi après-midi, lorsque je demandais « Maman, Papa, est-ce que j’ai évolué ? », j’espérais une négation. Parce que, quand mon ascendance me confirmait mon évolution, elle confirmait, en filigrane, la perte d’une de mes capacités physiques. « Oui, ma puce. Tu as évolué ».

Oui, ma puce. Tu as perdu la faculté que tu avais de manger seul, de tousser seul, de sortir seul. C’est assez absurde et ironique, mais, parce que désormais je risquais une panne de fauteuil roulant ou un besoin urgent non assouvi, à l’âge où habituellement l’on devient autonome, où l’on peut s’émanciper dans d’autres groupes sociaux que la cellule familiale, moi, je suis définitivement devenu entièrement dépendant de mon entourage.

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Difficile, à partir de là, dans ces conditions, de savoir si l’on est véritablement devenu « un grand ». Un vrai de vrai. Avec des chaussures qui clignotent quand on marche (quand on marche !), une créole à l’oreille gauche (pas à droite, « sinon t’es une fille ») et un t-shirt jaune par-dessus un pull violet qui dépasse (c’est infiniment moche, j’en conviens, mais ce sont des couleurs complémentaires).

🪶 On y laisserait des plumes

L’année de mes sept ans, par exemple, alors que mes camarades, super fiers, recevaient leur première plume, sur mon bureau, c’est un ordinateur qui m’a été prêté par Madame Hegel, la maîtresse. Parce que, depuis quelques mois, écrire au stylo plus de dix minutes était devenu un geste accablant, impossible. Quelle déchirure ! Merci l’évolution, merci Charles Darwin.

« Un ordi, mais c’est super », allez-vous me dire. Et pourtant, à cet âge-là, il n’y a rien de plus important que d’être « comme les autres ». Un ordi, certes, c’est super. Mais la première plume, attention, c’est sacré. Heureusement, mes ascendants, qui, à tort, mais c’est normal, culpabilisaient profondément de ce patrimoine génétique laissé, ont réussi à « détourner » l’usage initial de mon nouveau PC.

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Renommé « l’informaticien de la maison », d’ordinaire aidé par les autres, alors âgé d’à peine plus d’un lustre, je devenais l’assistant de mes parents, professeurs et camarades dans leur découverte technologique. Autant vous dire que, au vu de leur niveau actuel, je n’ai pas été bien compétent.

💡 Une évolution d’inventions

Toutefois, j’appréhende dorénavant l’évolution différemment. Et, même si ce n’est pas toujours limpide comme réflexion, même s’il est nécessaire de faire un deuil parfois (souvent), à l’image du premier ordinateur, il est tout aussi important de se dire qu’une limitation peut entraîner l’intégration d’un nouvel outil dans son de travail.

Ou de vie, d’ailleurs. Possiblement de survie (?). Ce nouvel outil, inventé, mais redouté, il faudra l’accepter d’abord, l’apprivoiser ensuite. Mais, une fois adopté, c’est un retour à l’autonomie, certes sous de nouvelles conditions, qui se dessinera. Reste à définir c’est quoi l’autonomie. Peut-être oser, échouer, apprendre, recommencer et réussir ? Oui, très bien. Et après ?


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