Proches aidants… et de loin !
Bienvenue dans « Proche Aidant Simulator ». Pas de pause, pas de salaire, juste du dévouement H24. Malick Reinhard explore cette réalité vécue par une personne sur quatre et croise le chemin de Sarah Missilier-Vuataz, maman aidante et créatrice de « Parenthèse », podcast sur le soutien aux proches.
- En Suisse, une personne sur quatre est proche aidante, assumant un rôle intense et non rémunéré qui manque de reconnaissance sociétale. La majorité ont plus de 50 ans.
- Des initiatives comme le podcast « Parenthèse » répondent au besoin crucial d'échange et de soutien entre proches aidants, notamment les parents d'enfants en situation de handicap.
- Les proches aidants font face à des défis personnels et familiaux, avec un taux de divorce plus élevé et des problèmes de santé acrus.
Imaginez un instant : vous êtes propulsée ou propulsé dans un jeu de rôle grandeur nature, sans inscription préalable et surtout, sans mode d’emploi. Votre mission, si vous l’acceptez — vous n’avez, en fait, pas vraiment le choix : devenir une proche aidante ou un proche aidant. Votre personnage ? Un parent, une enfant, un conjoint, une amie dévouée qui jongle entre soins, paperasse administrative et montagnes russes émotionnelles.
Ah, et on a oublié de vous dire, le jeu peut être vécu 24 heures sur 24, et 7 jours sur 7, parfois même pendant des dizaines d’années, sans pause ni bouton « échap ». Il faudra également songer à réduire, voire arrêter, votre activité professionnelle. Et avec ceci ? Pas de salaire. Aucun. Zéro. Nada. Rien. Bref… soyez les bienvenus dans la réalité d’une personne sur quatre en Suisse ! Applaudissez-vous, au moins… Allez !
Loin des codes de triches sur Les Sims (« Motherlode », je sais que tu sais), de la saison deux de « Squid Game » et des parties fratricides de « Loups-garous » en colonie de vacances, ces championnes et champions de l’ombre se battent chaque jour pour offrir un quotidien plus doux, sécuritaire et digne à celles et ceux qu’elles et ils aiment. Ces personnes — tout comme la presse, les crocs morts et le thé froid de la Migros — sont les piliers invisibles d’une société qui peine souvent à reconnaître leur rôle essentiel.
On n’en a encore jamais parlé, vous et moi, mais, en plus d’être proche aidé, je suis aussi proche aidant. Plusieurs fois par semaine, j’assiste Nathan, 19 ans, mon frère cadet, qui est atteint de problèmes cognitifs, plus précisément d’une leucomalacie — mot compte triple au Scrabble. Ainsi, avec handicap, ou non, il est possible, à parts égales, de se retrouver aidant autant qu’aidé.
🎤 Un besoin de se raconter
Aujourd’hui, malgré les chiffres importants, la réalité de toutes ces personnes manque encore cruellement de visibilité. Et ça, Sarah Missiller-Vuataz l’a bien compris. Elle-même maman et proche aidante de Louis, 11 ans (dans un mois !), l’assistante en intégration scolaire et graphiste crée en 2021, avec son mari, Théo, « Parenthèse », un podcast pensé par et pour « les parents d’enfants extraordinaires » — comprenez touchés par un handicap ou une maladie.
Et, même si beaucoup de proches aidants en Suisse ne sont pas forcément parents, Sarah Missillier-Vuataz reconnaît qu’il y a là un fort besoin de se raconter et d’échanger chez ces personnes dont le rôle est souvent inconnu : « C’est hyper important, pour moi comme pour d’autres, d’avoir la possibilité, en tant que parents et proches aidants, d’échanger des conseils et astuces entre êtres humains qui vivent des expériences similaires. La difficulté d’être parent et proche aidant, c’est de rester parent avant tout. On pourrait vite être tenté de devenir le physiothérapeute, l’infirmière de substitution… Alors que, finalement, nous sommes les parents d’un enfant, avant d’être autre chose. Échanger pour prendre du recul sur la situation, c’est donc nécessaire. »
Ni une ni deux, l’internet des internets propulse le podcast et montre l’intérêt porté par des parents de familles où « tout va bien » et qui, toujours selon sa créatrice, ont envie de s’informer sur des réalités parallèles aux leurs. Pour la Vaudoise, c’est aussi ça, l’intégration. Un véritable pont entre visions du monde qui est important ne serait-ce que pour protéger les proches aidants et les proches aidés.
⛓️ Le proche aidant du proche aidant
Mais, pas toujours facile de se protéger et de penser à soi, quand on est là pour l’autre. Dans un rapport de l’Office fédéral de la Statistique (OFS) publié en 2023, il est observé que les proches aidants, toujours en Suisse, sont globalement plus atteints dans leur santé, à comparer avec leurs contemporains qui ne sont pas appelés à assister une ou un membre de leur famille. Cela s’expliquerait notamment par le fait que la majorité de ces personnes appelées à l’aide sont âgées de plus de 50 ans.
Pour être dans ce rôle, il faut être solidement accompagné. Il s’agit de trouver le proche aidant du proche aidant. — Sarah Missilier-Vuataz, mère et proche aidante de Louis
« Pour être dans ce rôle, qui n’est pas toujours choisi, il faut être solidement accompagné, estime Sarah, la maman de Louis. Il s’agit de trouver le proche aidant du proche aidant. Et dans notre cas, c’est une grande chance de pouvoir soutenir notre fils à deux, avec mon mari. Sinon le bateau est trop lourd ! »
Une grande chance que confirme la fondation Pro Infirmis, qui vient en aide notamment à cette population : parmi leurs nombreux dossiers ouverts dans tout le pays, 80 % des couples assistés sont aujourd’hui divorcés, « probablement en raison du handicap qui est venu impacter l’équilibre familial ». Un chiffre 30 % plus élevé que celui donné par l’OFS, toutes configurations de ménages confondues.
🕰️ Entre le présent et l’avenir
Pour Sarah Missilier-Vuataz, comme pour beaucoup d’autres proches aidants, le carpe diem n’existe pas. Aujourd’hui, Louis a 11 ans. Mais il aura toujours besoin d’une aide active, en raison de sa maladie rare. Impossible, pour la mère et le père du petit bonhomme fédérateur, de ne pas se demander quelle sera leur place, une fois ce dernier devenu adulte.
« Mais, parallèlement à cela, nous devons apprendre à vivre dans l’instant présent, nuance l’assistante en intégration scolaire. On navigue beaucoup entre le présent et l’avenir. Et puis, finalement, la vie est bien plus difficile pour Louis que pour nous. C’est lui qui, depuis sa naissance, vit les opérations, les soins… Et il n’a rien demandé de tout cela. Donc, en tant que parents, et donc aussi proches aidants, on ne peut qu’être là pour lui. »
Alors, la prochaine fois que vous croisez une proche aidante ou un proche aidant, n’hésitez pas : un sourire, un mot gentil, une tape dans le dos — sauf si elle ou il souffre de lombalgie, ce qui est souvent le cas chez les aidantes et aidants. Un petit geste pour leur rappeler qu’elles et ils ne sont pas seuls. À défaut d’avoir un ostéo…
🛟 Besoin de soutien ?
Il existe une offre de soutien dans votre région :
– Berne : Office de l'intégration et des affaires sociales
– Fribourg : Direction de la santé et des affaires sociales
– Genève : GE suis proche aidant
– Jura : Service de l'action sociale
– Neuchâtel : Service de la santé publique
– Vaud : Direction générale de la cohésion sociale
– Valais : Association Proches aidants Valais
– Belgique : ASBL Aidants proches
– Québec : Proche aidance Québec
– France : Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités
– Luxembourg : Aidant.lu