Masque ou crève

Quand le rhume devient une symphonie. De bistrot en métro, Malick Reinhard nous embarque dans sa valse avec les microbes, lui pour qui un simple rhume peut être fatal. Entre mouchoirs volants et éternuements sournois, il dévoile les coulisses d’un esprit en alerte permanente.

Masque ou crève
© Mondame Productions
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⏱️ Pour faire court
  • Les infections respiratoires courantes, comme le rhume ou la grippe, peuvent avoir des conséquences graves pour les personnes ayant une capacité pulmonaire réduite.
  • La gestion quotidienne de la santé pour ces personnes implique des précautions constantes et une vigilance accrue, même dans des environnements considérés comme « sûrs » par la population générale.
  • Les mesures de prévention collective, telles que le port du masque dans les lieux publics en cas de symptômes, peuvent réduire les risques d'infection pour les personnes vulnérables, tout en bénéficiant à l'ensemble de la population.

Ça y est ! Je l’ai entendue. Elle est revenue ! Là, dans la rue… jusque sous nos fenêtres ! CETTE phrase infâme, lancée dans CE bistrot ; « J’te fais pas la bise, j’ai chopé la crève ! » Arf… À la table huit, lunettes sur le bout du nez, celui qui ressemble à s’y méprendre à Andy Warhol se mouche, siffle, renifle. Juste en face, table six, les deux copines d’enfance mènent une bataille inconsciente de sprays anti-rhumes et de pilules antitussives. « Mais à base de valériane et de gentiane, parce que sinon c’est trop trop pas bon pour ma flore intestinale ».

Le serveur se pointe sur ma droite, gauche et pressé. Le déca’ déposé devant moi, le garçon souhaite m’encaisser. Le pauvre termine son service prématurément, très fatigué manifestement, parce qu’il est malade et son patron lui recommande d’aller « se reposer » « Tu dois avoir de la fièvre », m’a-t-il dit qu’on lui a dit. « Vous avez raison, rentrez ! », lui lance ma collègue bienveillante, comme si sa consigne faisait particulièrement autorité. Bref, la maladie virale, une routine dans une période comme celle-ci, où le thermomètre nous fait des descentes de rein tous les deux matins. 12 degrés… Puis 20 ! Puis 10… Puis 25 ! Puis 11… Un détail. Une peccadille. Et pourtant…

Illustration pop art d'une personne blonde portant un masque bleu, entourée de représentations stylisées du virus en orange et jaune sur fond vert foncé.
Midjourney : "Person who blows their nose with a lot of viruses around them, pop art, Andy Warhol style, Surgical face mask"

🎼 Symphonie en râle majeure

Sur la route, au retour de ce café s(c)eptique, je crois rêver. Mais en fait, non. Depuis une bonne heure, mon auxiliaire de vie souffle, fort, racle son système nasopharyngé aussi régulièrement qu’il cligne des yeux — toutes les 3,65 secondes, j’ai vérifié. Il tombe malade, je le vois. Je le sens. « L’odeur » du virus. Délectable. Un bon petit parfum de fraîches absences. Un bon gros truc qui va me valoir un remplacement de dernière minute, que je vais devoir mettre en place à 7 h 30, demain matin, une heure et demie avant le travail.

Y’a pas tant le temps…
Le temps, cette dimension subjective qui rythme nos vies, prend une tout autre dimension pour les personnes en situation de handicap. Malick Reinhard dévoile, sans chercher midi à quatorze heures, les défis quotidiens d’une vie chronométrée à la minute près.

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Dans le métro, c’est la même. Derrière les rares masques — 2020, c’est bien loin —, les passagères et passagers sniffent, groumpfent, coughent. Une symphonie d’onomatopées en râles majeures, formidable, exquise, (mieux !) extatique. Et moi, je sue. J’arrive presque à me convaincre que, si je cesse d’inspirer durant quelques secondes, je m’empêcherais le pneumocoque véhiculé par mon voisin d’en face. Rationnel, le garçon, tu crois quoi…

😰 Une peur (ir)rationnelle

Quelle dèche, cette hypocondrie à laquelle je fais face depuis maintenant quelques années ! Cette peur de la maladie, développée par une pneumonie qui m’a fait prendre conscience, alors aux portes de « l’autre côté », de ma vulnérabilité pulmonaire. Sanitaire — moi qui n’ai aujourd’hui que dix petits pour cent de capacité respiratoire. Cette pneumonie, elle m’aura d’ailleurs valu l’écriture d’une missive à mon infirmier dans Couper l’herbe sous les roues, il y a de cela quelques semaines.

Lettre à l’infirmier qui a manqué de me faire mourir
Lettre à l’infirmier qui a failli lui ôter la parole. Malick Reinhard revit un moment crucial des soins intensifs, où une décision médicale aurait pu le réduire au silence. Un récit intime sur l’importance de la communication, les dilemmes éthiques et la résilience face à l’adversité médicale.

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Depuis cet épisode traumatique, fait d’intubations à répétition, de souffrance et de craintes, le simple fait d’avoir un mal de tête couplé à un nez qui coule m’effraie. Et si c’était reparti pour un tour de soins intensifs ? Et si cette fois je n’avais pas autant de chance ? Où est mon testament !? Les documents pour l’hypothèque sur le chalet de Vercorin !!? Non ! Non. Non… Je ne veux plus tomber malade. Je ne PEUX plus tomber malade. 

Pénibles sont les symptômes — si tant est que j’ose me plaindre d’une telle futilité — mais ils seraient avant tout, chez moi, une « chance » accrue de décès ou de diminution permanente de mes fonctions pulmonaires. Ce « rhume » — on aime bien l’appeler comme ça, mais je préfère parler de « crève », ça résonne tellement plus juste —, au contact de mon système immunitaire, ne durera pas trois jours, mais trois semaines. Complications comprises dans l’offre exclusive.

🦠 Instinct de survie face aux virus

Toutes ces raisons font de moi le portrait sans retouche d’un parfait hypocondriaque, anxieux à l’idée d’avoir la gorge qui gratte ou les ganglions qui enflent. Dans ma réalité, en une période prolifique aux virus en tous genres, je suis passablement satisfait du port du masque dans les espaces clos et étroit. Ce qui fait de moi un passéiste. Mais tant pis pour les bouches contraires. Bizarrement, même si selon mes valeurs sociales, cela peut être une entrave à la responsabilité individuelle, la prévention collective m’apparaît comme un outil utile à mon instinct de survie, ego centré.

Arrivé à la maison, je croise la voisine. Un mouchoir cartonné par ses sécrétions à la main, elle me tient poliment la porte. Avant d’éternuer bruyamment. Sur ma main, là, une goute de son mucus nasal. Elle s’excuse. Et, comme un bon Helvète qui se respecte, sourire aux lèvres, mais épouvante au cortex, je lui réponds gaiement : « Mais c’est moi qui suis désolé pour vous, Madame. Bon rétablissement… »


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