Handicap sans frontières #4 : Bout d’viarge, les marches

Le Canada, terre d’érables et de droits humains, promet un avenir sans obstacles… mais oublie parfois de balayer devant ses rampes. Le journaliste Malick Reinhard termine son tour de la francophonie pour dénicher le pays le plus sincèrement « handi'friendly ».

Handicap sans frontières #4 : Bout d’viarge, les marches
© Mondame Productions
Dans Handicap sans frontières », Malick Reinhard part à la découverte de cinq pays francophones pour évaluer la qualité de vie des personnes en situation de handicap. De la Suisse au Canada, en passant par la France, la Belgique et le Luxembourg, ce dossier propose une analyse comparative de l’application concrète de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). Voir le dossier

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Dans cette dernière étape de mon tour d'horizon de la francophonie, j'ai analysé comment le Canada applique concrètement la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). Avec 27% de sa population en situation de handicap, le pays se distingue par une définition progressiste du handicap, considéré comme le produit d'un environnement social inadapté plutôt qu'une simple condition médicale.

Mon analyse de dix domaines clés révèle un score de 62/100, plaçant le Canada en deuxième position des pays francophones étudiés, avec une note de 4 fauteuils roulants sur 5. Les points forts incluent un système de suivi institutionnel robuste, des avancées technologiques concrètes et un cadre légal ambitieux, notamment avec la Loi canadienne sur l'accessibilité de 2019. Cependant, des défis majeurs persistent : une protection sociale insuffisante face aux coûts réels du handicap, des disparités importantes entre provinces, et un marché de l'emploi privé encore largement fermé.

Si le Canada n'est pas exempt d'obstacles, il démontre une volonté politique constante et une culture d'évaluation sérieuse qui, malgré une mise en œuvre parfois lente et inégale, trace progressivement la voie vers une société plus accessible.

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À c’t’heure, on s’en va s’garrocher dans l’dernier boutte d’notre tournée d’la francophonie pour checker quel bout d’pays qui s’force le plus pour donner aux personnes handicapées leurs droits comme du monde, là. C’t’un bon plan, han !?

Vous m’avez bien compris ? Enfin, vous avez bien compris de quoi l’on va parler, non ? Parce que oui, c’est déjà l’heure du quatrième et dernier épisode de « Handicap sans frontières ». Après la Suisse, la France, le Luxembourg et la Belgique, notre petit baluchon journalistique nous mène maintenant dans le Grand Nord, chez nos cousines et cousins Canadiens. Un pays souvent cité en exemple pour son approche avant-gardiste du handicap et de la santé plus largement. Mais aujourd’hui, on ne va pas jaser médecine, écoles sociales ou innovation hospitalière. Non, on va poser la loupe sur ce qui nous intéresse depuis le début : comment ce pays applique-t-il concrètement la CDPH dans ses politiques publiques ? Est-ce qu’il transforme les beaux principes en vraie qualité de vie ? Ou bien est-ce qu’il laisse ses beaux discours prendre le large en canoë ? Les Canadiens représentent 5 % du public de « Couper l’herbe sous les roues » — alors autant leur rendre la pareille avec un bon gros fact-checking… Désolé… Une grosse « vérification des faits », en Canadien, dans le texte.

Dessin humoristique représentant un match de hockey chaotique entre joueurs aveugles, tous portant des lunettes noires et des uniformes rouges. Plusieurs joueurs se cognent, tombent ou crient ; l’un hurle “AIIE !” tandis que deux autres se percutent avec un “POF !” sonore. En arrière-plan, les drapeaux du Québec et du Canada flottent au-dessus d’un public stylisé.
ChatGPT : "A field hockey team made up of visually impaired and blind players. They bump into each other on the ice, due to a lack of facilities. Comic-book style, with onomatopoeia and movement"

Petit rappel de rigueur, pour les distraites et distraits du fond (on vous voit) : la CDPH, ça n’est toujours pas LA nouvelle console de jeu ni un label bio spécialisé dans l’aquaponie. C’est la Convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée par l’ONU en 2006, et censée garantir l’égalité pleine et entière des personnes handicapées dans tous les aspects de la vie, ainsi que dans le respect des Droits de l’Homme. Le Canada, lui, a (presque) joué les premiers de classe : il l’a ratifiée dès 2010, tout content d’être dans les starting blocks — un « bloc de départ », pardon. Mais une signature « rapide » ne fait pas forcément une politique exemplaire.

Alors, quinze ans plus tard, que dit la feuille de match ? 8 millions de personnes handicapées vivent aujourd’hui au Canada, soit 27 % de la population — un chiffre bien plus élevé que dans la majorité des pays francophones (où on tourne plutôt autour des 16 à 22 %). Pourquoi ? Parce que le Canada a adopté une définition du handicap résolument progressiste, en phase avec la CDPH. Ici, on ne réduit pas le handicap à une condition médicale. On le comprend comme le produit d’un environnement social inadapté, d’un écart entre les normes attendues et les réalités vécues. C’est ambitieux, c’est inclusif, et ça fait réfléchir sur notre propre rapport à la norme : peut-être sommes-nous toutes et tous, à différents moments, en situation de handicap — selon ce que le monde attend de nous… Alors, est-ce que le pays va battre le Luxembourg et ses 80 points ? Ou peut-être fera-t-il pire que la Belgique et ses 51 points ?



🪜 Accessibilité

L’accessibilité constitue la pierre angulaire de l’inclusion des personnes handicapées dans la société. Au Canada, la période 2019-2024 a été marquée par des avancées significatives dans ce domaine, principalement grâce à la mise en œuvre progressive de la Loi canadienne sur l’accessibilité (LCA), entrée en vigueur en 2019. Cette législation historique vise un Canada exempt d’obstacles d’ici 2040, en ciblant sept domaines prioritaires, tels que l’environnement bâti et les technologies de l’information. La création de Normes d’accessibilité Canada (NAC), chargée d’élaborer des standards nationaux, représente une avancée majeure. Toutefois, ces normes restent volontaires tant qu’elles ne sont pas intégrées dans la réglementation, ce qui freine leur impact immédiat. Selon les rapports d’étape publiés en 2024 par les organismes fédéraux, la mise en œuvre de ces mesures demeure inégale entre secteurs et régions.

Sur le terrain des infrastructures physiques, le bilan est contrasté. Si l’obligation pour les entités réglementées de publier des plans d’accessibilité constitue une avancée en matière de responsabilisation, les obstacles persistent encore largement dans les espaces publics et privés. Le Québec, par exemple, a investi près de 134 000 dollars canadiens (environ 85 000 euros / 79 500 francs suisses) pour améliorer l’accès aux espaces naturels dans les Laurentides. Cependant, l’absence d’un inventaire national complet et de données uniformes sur l’accessibilité physique complique l’évaluation des progrès réels. De nombreux bâtiments, transports et espaces publics restent difficiles d’accès, témoignant des limites pratiques des politiques actuelles.

Concernant l’accessibilité numérique, le secteur public canadien affiche des progrès notables, avec des améliorations sensibles sur les sites web gouvernementaux. Malgré cela, le secteur privé accuse toujours un retard considérable. Des services essentiels, comme les banques en ligne ou le commerce électronique, restent souvent inaccessibles aux personnes handicapées. Cette fracture numérique est particulièrement préoccupante dans le contexte d’une numérisation accrue depuis la pandémie de Covid-19. De plus, les technologies d’assistance, quoique sophistiquées, demeurent coûteuses et inégalement disponibles à travers le pays. L’absence de réglementation contraignante spécifique à l’accessibilité numérique dans le secteur privé reste une faiblesse majeure, limitant ainsi l’efficacité réelle des avancées technologiques pour les personnes handicapées.

Note : 🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼🦼🦼
Au sens de ses engagements, le Canada affiche des progrès concrets, mais inégaux en matière d’accessibilité, méritant ainsi la note de 3 fauteuils roulants sur 5.

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🏛️ Cadre légal

Le cadre légal canadien concernant les droits des personnes handicapées a connu une transformation notable ces dernières années, notamment grâce à la LCA, entrée en vigueur en 2019. Celle-ci concrétise l’engagement pris par le Canada avec la ratification en 2010 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) des Nations Unies, en institutionnalisant le principe de participation directe (« Rien sans nous ») des personnes concernées dans les politiques les affectant. Le cadre prévoit des obligations précises pour les organismes fédéraux, comme la publication régulière de plans d’accessibilité et de rapports d’étape, mais ces obligations restent limitées à certains secteurs précis, laissant souvent place à la bonne volonté plutôt qu’à des mesures contraignantes.

La portée très large de la LCA, couvrant non seulement les institutions gouvernementales, mais aussi des secteurs économiques clés tels que les banques, les télécommunications et les transports, représente une avancée majeure. Toutefois, l’application concrète et uniforme demeure un défi en raison de la répartition complexe des compétences entre les autorités fédérales et provinciales. Ainsi, bien que le cadre soit solide et ambitieux, son caractère non obligatoire dans de nombreux domaines freine sa mise en œuvre effective, ralentissant les progrès réels vers l’objectif ambitieux d’un Canada sans obstacles d’ici 2040.

Note : 🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼🦼🦼
En y cherchant un peu, le cadre légal canadien est solide et ambitieux sur le papier, mais le manque d’obligations contraignantes et son application inégale limitent son efficacité réelle. Tout cela lui vaut donc un généreux 3/5.

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🍎 Éducation

Le Canada a réalisé des progrès significatifs vers une éducation inclusive pour les élèves en situation de handicap, conformément à ses engagements internationaux. Selon Statistique Canada, les écoles publiques accueillent largement ces élèves dans des classes régulières (environ 78 %, au Québec, en 2024), avec une tendance marquée à la diminution des classes spécialisées, désormais réservées aux situations de handicap les plus complexes à gérer en collectivité. Toutefois, l’inclusion varie considérablement selon les provinces, le niveau scolaire et le type de handicap.

Les barrières, telles que le manque de ressources adaptées, l’insuffisance de formation du personnel éducatif, ainsi que certaines pratiques d’orientation systématiques vers des filières spécialisées, persistent, freinant une véritable inclusion, au sens de la CDPH. Par ailleurs, bien que les soutiens spécifiques (aide pédagogique, adaptations technologiques) aient été renforcés, leur disponibilité effective demeure, encore une fois, inégale sur l’ensemble du territoire.

L’accès aux études supérieures, lui aussi, révèle des disparités importantes : seuls 55 % des adultes en situation de handicap obtiennent un diplôme postsecondaire, contre 67 % pour leurs pairs sans handicap. De plus, le taux d’abandon scolaire reste deux fois plus élevé chez les jeunes en situation de handicap. Mais, toujours selon Statistique Canada, si ces abandons surviennent, ce n’est que rarement en raison « d’une détérioration de l’état de santé », mais plutôt « en raison d’un découragement ou d’un épuisement lié à une inadaptation, ou à la lenteur institutionnelle à mettre en place les ajustements nécessaires ».

Note : 🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼🦼🦼
Malgré une volonté affichée d’inclusion scolaire, au Canada, les écarts persistants dans l’accès à l’éducation révèlent une mise en œuvre inégale. C’est un également un généreux 3 fauteuils sur 5 pour ce volet.

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💼 Emploi et marché du travail

L’accès à l’emploi pour les personnes handicapées au Canada a connu certaines avancées, particulièrement au sein de la fonction publique fédérale, où des objectifs ambitieux d’embauche ont été largement dépassés avec 41 recrutements réalisés, contre un objectif initial de 25 d’ici 2024. Cette réussite repose sur une stratégie proactive, intégrant systématiquement des critères d’accessibilité dans les processus de gestion des ressources humaines.

Cependant, cette réussite reste isolée, et le marché du travail général présente encore des obstacles majeurs à l’inclusion effective. Le manque généralisé de sensibilisation des employeurs, des formations insuffisantes pour les gestionnaires, et l’accessibilité limitée des outils et processus de recrutement constituent des barrières persistantes. Comme en Suisse, ces difficultés sont particulièrement marquées dans le secteur privé, où les exigences légales en matière d’accessibilité sont drastiquement moins strictes.

En parallèle, malgré diverses incitations économiques et mesures légales pour favoriser l’inclusion professionnelle, le taux d’emploi des personnes handicapées demeure nettement inférieur à celui des personnes sans handicap. Selon l’Enquête canadienne sur l’incapacité (ECI) de 2022, 62 % des adultes en âge de travailler (25 à 64 ans) ayant une incapacité occupaient un emploi, comparativement à 79 % des personnes sans handicap reconnu. Les accommodements raisonnables sont donc très fréquemment négligés, minimisés, ou mal mis en œuvre, engendrant une réelle discrimination à l’embauche et en emploi.

Note : 🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼🦼🦼
Malgré des progrès très encourageants dans la fonction publique, les obstacles persistent largement dans le marché du travail. Le Canada, fidèle à lui-même, obtient la note de 3 importants fauteuils sur 5.

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🤲 Protection sociale

Ces cinq dernières années, le système canadien de protection sociale des personnes handicapées a également connu des améliorations importantes, notamment avec la mise en œuvre en 2024 de la « Prestation canadienne pour les personnes handicapées ». Cette nouvelle aide prévoit jusqu’à 200 dollars canadiens par mois (environ 125 euros / 118 francs suisses), visant à réduire la précarité économique liée aux coûts spécifiques du handicap. Cependant, malgré ces efforts, les prestations demeurent insuffisantes par rapport aux coûts réels du handicap, laissant une proportion significative des bénéficiaires sous le seuil de pauvreté. Par exemple, en Ontario, un bénéficiaire reçoit environ 1 169 dollars canadiens par mois (environ 745 euros / 692 francs suisses), tandis qu’en Alberta ce montant atteint 1 685 dollars canadiens (environ 1 074 euros / 998 francs suisses), révélant ainsi des disparités majeures entre provinces.

Les investissements dans les logements adaptés et les services d’accompagnement se heurtent également à des limites significatives. Malgré une enveloppe dédiée de 420 millions de dollars canadiens (environ 267 millions d’euros / 248 francs suisses) pour la période 2019-2024, l’offre reste inégale et souvent insuffisante, particulièrement dans les régions rurales et éloignées. Les services de soutien à domicile sont fréquemment saturés, laissant de nombreuses personnes dépendantes de leurs proches aidants.

Note : 🧑‍🦼🧑‍🦼🦼🦼🦼
Toujours au sens de la CDPH, la faiblesse structurelle des prestations et les importantes disparités régionales limitent fortement l’efficacité du système canadien de protection sociale des personnes handicapées. Ces lacunes justifient une note plutôt modeste de 2 fauteuils sur 5 pour ce chapitre canadien.

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🏥 Santé

Le Canada dispose d’un système de santé universel garantissant théoriquement un accès égal aux soins pour les personnes handicapées, notamment via une assurance maladie couvrant médecins et hôpitaux. Toutefois, la réalité reste complexe : les délais d’attente pour des soins spécialisés ou en réadaptation demeurent longs, particulièrement pénalisants pour les personnes en situation de handicap. Les coûts non couverts par l’assurance publique, tels que les soins dentaires ou optiques, ainsi que certains médicaments, représentent également un fardeau financier significatif pour cette population souvent vulnérable économiquement.

L’élargissement récent de l’aide médicale à mourir (AMM) aux personnes atteintes de déficiences physiques graves depuis mars 2023 est une évolution majeure reconnaissant leur autonomie décisionnelle, mais suscite aussi des inquiétudes au sens de la CDPH. Plusieurs associations militantes estiment en effet que « si la société faisait davantage d’efforts pour inclure pleinement les personnes handicapées, la demande d’aide médicale à mourir pourrait diminuer ». Elles dénoncent notamment « la tendance de la société à culpabiliser les personnes handicapées d’être "un poids" pour les autres », poussant ainsi indirectement vers cette solution radicale. Par ailleurs, les efforts pour améliorer l’accessibilité physique des établissements de santé, comme le montre le Plan d’action d’Urgences-santé réalisé à 75 %, restent encore insuffisants à l’échelle nationale.

Inquiétudes face à l’explosion des demandes pour l’aide médicale à mourir au Québec / Radio-Canada, le 6 août 2023

Enfin, l’accès aux technologies d’assistance (fauteuils roulants, cannes blanches, prothèses auditives…) reste inégal et souvent incomplet, avec 56 % des personnes concernées rapportant « des difficultés à financer entièrement ces équipements » (ECI, 2022). Cette situation souligne la nécessité urgente d’une stratégie nationale mieux coordonnée pour harmoniser et étendre la couverture des besoins spécifiques liés au handicap.

Note : 🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼🦼🦼
Bien qu’ayant un système de santé théoriquement universel, l’accès réel aux soins reste limité par des délais, des coûts cachés et une couverture inégale. Pour les Canadiens, ce sera un minuscule 3/5.

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💬 Participation sociale et politique

La participation sociale des personnes handicapées a connu des progrès sensibles au Canada entre 2019 et 2024, grâce notamment à des politiques structurées visant à renforcer leur intégration sociale, culturelle et sportive. De nombreuses municipalités et grandes villes ont investi dans l’accessibilité des infrastructures culturelles, sportives et événementielles, permettant aux personnes handicapées de prendre davantage part à la vie publique. Par ailleurs, le Canada encourage activement ses équipes paralympiques, qui enregistrent régulièrement des succès à l’international, ce qui témoigne d’une volonté institutionnelle forte en matière d’inclusion sportive.

Toutefois, cette réalité demeure contrastée. L’accès aux loisirs et à la culture reste inégal, particulièrement hors des grands centres urbains, où les infrastructures adaptées sont nettement moins développées. En outre, dans les établissements privés, tels que les restaurants, bars ou théâtres, les obstacles d’accessibilité persistent souvent. Sur le plan politique, bien que les droits civiques soient garantis et que les lieux de vote affichent généralement un haut niveau d’accessibilité (plus de 96 % conformes en 2019 selon Élections Canada), la représentation politique effective des personnes handicapées reste limitée, et certains groupes, notamment les personnes sourdes, déplorent encore un manque d’informations accessibles.

Note : 🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼🦼🦼
Si le Canada affiche une volonté claire en matière d’inclusion culturelle et politique, une nouvelle fois, la persistance de fortes disparités régionales et de multiples barrières pratiques empêche encore une pleine participation sociale des personnes handicapées. Ainsi, ce chapitre mérite un correct 3 fauteuils sur 5. C’est désormais une tradition…

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👀 Sensibilisation

Le pays déploie diverses initiatives de sensibilisation destinées à améliorer la perception sociale du handicap. Des campagnes régulières, comme la Semaine nationale de l’accessibilité, soutenues par des organismes reconnus, tels que la Rick Hansen Foundation et Inclusion Canada, ont contribué à diffuser une image valorisante des personnes handicapées, soulignant leurs réussites individuelles et collectives. Cette démarche active s’inscrit clairement dans la philosophie inclusive promue par la Loi canadienne sur l’accessibilité.

Toutefois, la représentation médiatique du handicap demeure contrastée. Si certains médias jouent un rôle positif en mettant en avant les accomplissements sportifs ou culturels des personnes handicapées, beaucoup d’autres restent ancrés dans une approche stéréotypée, alternant entre invisibilisation, victimisation et héroïsation excessive. L’absence d’études systématiques récentes sur ces représentations complique encore davantage l’évaluation des progrès réels réalisés dans ce domaine.

Help us make Canada accessible for all (Aidez-nous à rendre le Canada accessible à tout le monde) / Rick Hansen Foundation, 2017

Enfin, bien que la majorité des Canadiens expriment une ouverture significative en faveur d’une société inclusive (près de 90 % reconnaissant l’accessibilité comme un droit humain), des comportements discriminatoires subsistent au quotidien, particulièrement envers les personnes ayant des handicaps invisibles, cognitifs ou psychiques.

Note : 🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼🦼
Malgré ces limites, le Canada obtient la meilleure note de ce parcours, avec 4 fauteuils roulants sur 5, franchissant ainsi pour la première fois la barre des 3 fauteuils.

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💡 Innovation

Comme dans chacun des pays analysés, les technologies d’assistance ont pris une importance croissante au Canada. Plusieurs initiatives concrètes se sont distinguées, notamment dans les domaines du logement adapté et des applications mobiles innovantes. Des programmes provinciaux spécifiques encouragent activement l’intégration de ces outils technologiques dans la vie quotidienne, tandis que les universités et startups canadiennes, bénéficiant de soutien fédéral, développent des solutions, à l’instar de l’application « AccessNow », permettant aux personnes handicapées de naviguer plus facilement dans des environnements urbains.

Mais, comme toujours, malgré ces avancées notables, l’accès effectif à ces technologies demeure limité en raison de coûts souvent élevés et d’un manque de formation à leur utilisation. Les disparités régionales en matière de financement et d’accessibilité accentuent ces inégalités, laissant de nombreuses personnes handicapées dans une certaine « fracture numérique ». Ce phénomène est exacerbé par la numérisation accélérée des services essentiels, particulièrement à la suite de la pandémie de Covid-19, soulignant l’urgence d’améliorer l’accès à ces innovations.

Et bien que le Canada soit reconnu pour son dynamisme en recherche et développement de technologies d’assistance, il semble encore manquer d’une stratégie nationale clairement coordonnée pour stimuler et harmoniser ces initiatives à travers le pays. Le financement public et les partenariats public-privé existent, mais leur mise en œuvre concrète est souvent ralentie par des disparités, désormais habituelles, entre provinces.

Note : 🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼🦼🦼
Au Canada, comme ailleurs, l’innovation technologique offre un réel potentiel d’amélioration du quotidien des personnes handicapées, malgré une accessibilité encore inégale. Ce chapitre obtient donc un généreux 3/5.

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🔭 Mécanismes de suivi et contrôle

Depuis 2019, le Canada a mis en place des mécanismes importants pour assurer le suivi et le contrôle de ses politiques d’accessibilité, notamment via la création du poste de dirigeant principal de l’accessibilité et du commissaire à l’accessibilité. Ces institutions disposent de pouvoirs spécifiques pour surveiller la conformité à la Loi canadienne sur l’accessibilité et garantir une responsabilité gouvernementale explicite. Les commissions provinciales des droits humains jouent également un rôle actif dans le traitement des plaintes de discrimination, apportant une protection concrète aux personnes handicapées.

Mais l’efficacité réelle de ces mécanismes reste limitée par la fragmentation des responsabilités entre les différents niveaux de gouvernement et une coordination parfois insuffisante. De plus, les données statistiques nécessaires à un suivi rigoureux et régulier ne sont publiées qu’à intervalles espacés (tous les 5 ans via l’Enquête canadienne sur l’incapacité), compliquant ainsi une évaluation continue des progrès réalisés.

Malgré ces défis, le Canada présente une infrastructure solide pour le suivi de l’accessibilité et la défense des droits des personnes handicapées, bien que des améliorations soient encore nécessaires en termes de transparence et de régularité des données. Parmi les cinq pays analysés, le Grand-Nord est celui qui dispose du système de suivi et de contrôle le plus structuré, le plus étendu et le plus institutionnalisé, ce qui en fait un modèle à suivre en la matière.

Note : 🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼🦼
En conclusion de cette exploration, le Canada se distingue par la robustesse de ses institutions de contrôle et la qualité de ses outils de suivi, malgré des lacunes dans la fréquence et l’harmonisation des données. Ce chapitre décroche une solide note de 4 fauteuils sur 5.

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🔍 Le bilan

L’examen approfondi de ces 10 critères révèle un pays encore davantage dans la neutralité que la Suisse — ni trop, ni pas assez, juste au Nord :

  • 👍 Points forts : un système de suivi et de contrôle parmi les plus complets de la francophonie (quand un pays tient enfin ses promesses jusqu’aux cases à cocher, on le salue), une innovation technologique soutenue par des partenariats public-privé et de vraies avancées concrètes (parce que l’accessibilité, ce n’est pas que des applis à pitchs bien huilés), un cadre légal ambitieux avec des rôles institutionnels clairement définis (le Canada a mis des titres sur ses intentions, et c’est déjà beaucoup), une accessibilité numérique en nette amélioration dans le secteur public (on peut cliquer, lire, et parfois même comprendre — luxe suprême), une sensibilisation grand public active et bien accueillie (oui, les Canadiens trouvent normal de rendre les lieux accessibles — et le disent sans crier).
  • 👎 Points faibles : une protection sociale qui reste maigre au regard du coût réel du handicap (200 dollars par mois ? L’État fournit la moitié d’un loyer et un vœu pieux), une fracture numérique qui persiste malgré l’élan tech (les applis sont smart, mais leur accès l’est parfois moins), une inégalité d’accès flagrante entre provinces (le fédéralisme canadien, cette grande loterie territoriale de l’égalité), un marché de l’emploi encore largement fermé hors sphère publique (le privé a visiblement oublié que diversité rime aussi avec embauche), une éducation inclusive en chantier malgré de bonnes intentions (ça veut, mais ça cale souvent sur les rampes pédagogiques) et une représentation politique encore trop timide (droit de vote garanti, oui, mais pour le reste, on vous rappellera… peut-être).

Céline Dion – Dans un autre monde

Score global : 🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼🦼
(62 points sur 100)

Au sens des engagements pris avec la ratification de la CDPH, avec 62 points sur 100, le Canada décroche tout juste la note globale de 4 fauteuils roulants sur 5, grâce à un appareil institutionnel bien huilé, une volonté politique tangible et une culture de l’évaluation plutôt sérieuse. Ce n’est pas un pays sans obstacles, loin de là — mais il fait preuve d’une certaine constance, parfois un peu lente, souvent inégale, mais globalement engagée. Et s’il obtient cette note malgré une majorité de chapitres notés 3 sur 5, c’est parce que, mathématiquement, dans notre grille de lecture, 61 points suffisent à passer la barre symbolique : il suffit donc de quelques chapitres à 4, pas de note catastrophique, et bim, le fauteuil roule plus loin. Disons qu’il avance… pas toujours en ligne droite, mais au moins, il a mis les freins à main du validisme et les clignotants de l’inclusion. C’est pas parfait, mais c’est pas mal pantoute !

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🧮 Comprendre la méthode de calcul

Pour comparer objectivement la situation des personnes handicapées dans les cinq pays étudiés, une méthode d’évaluation rigoureuse a été développée, basée sur la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH).

Grille d’analyse
L’évaluation s’articule autour de 10 domaines clés couvrant l’ensemble des aspects de la vie quotidienne des personnes handicapées. Chaque domaine comprend 2 sous-critères spécifiques, notés de 0 à 5 selon une échelle précise allant de l’absence totale de mesures (0) au modèle exemplaire (5). Le score maximum par domaine est de 10 points, pour un total de 100 points.

Sources et collecte de données
L’analyse repose sur une triangulation méthodique de sources diversifiées : données officielles et statistiques nationales, rapports d’ONG et études indépendantes, témoignages directs de personnes concernées, ainsi que des observations de terrain et tests d’accessibilité. Toutes les données couvrent principalement la période 2019-2024.

Système de notation
Le score total obtenu sur 100 points est converti en fauteuils roulants selon l’échelle suivante : 0-20 points = 🧑‍🦼 (Situation critique), 21-40 points = 🧑‍🦼🧑‍🦼 (Insuffisant, obstacles majeurs), 41-60 points = 🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼 (Acceptable, avec lacunes), 61-80 points = 🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼 (Bon niveau, améliorations nécessaires), 81-100 points = 🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼🧑‍🦼 (Exemplaire, référence internationale).

Nuances qualitatives
Au-delà des chiffres, l’analyse tient compte des disparités régionales, des tendances d’évolution sur les cinq dernières années et de l’écart entre législation et réalité du terrain. Ces éléments qualitatifs permettent de nuancer les scores et d’offrir une vision plus complète de la situation dans chaque pays.

Cette méthodologie a été validée par un panel d’expertes, d’experts et de représentantes et représentants associatifs des cinq pays étudiés pour garantir sa pertinence et son impartialité.


Journaliste, Malick Reinhard vit avec une maladie qui limite considérablement ses mouvements. Dans Couper l’herbe sous les roues, le Suisse propose chaque semaine analyses, témoignages et enquêtes sur le handicap, une réalité qui concerne une personne sur deux au cours de sa vie.


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