Être valide? Ah mais non, moi j'pourrais pas…

Lassé des « Courage » et « J'sais pas comment tu fais », Malick Reinhard est décidé : la prochaine personne qui lui lancera un poncif du genre finira écrasée sous les roues du fauteuil roulant auquel elle a tant voulu échapper.

Être valide? Ah mais non, moi j'pourrais pas…
© Mondame Productions
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⏱️ Pour faire court
  • Certaines personnes sans handicap expriment leur incapacité supposée à vivre avec un handicap.
  • Cette réaction peut être considérée comme maladroite et potentiellement blessante par les personnes en situation de handicap.
  • Ces commentaires, bien qu'involontaires, véhiculent un préjugé sur la qualité de vie des personnes handicapées, suggérant qu'elle serait nécessairement inférieure.

Cette semaine, il faut que je vous avoue quelque chose… Ouais, on part directement dans les grandes révélations. Comme ça, c’est fait. Il faut que je vous avoue, du plus profond de mes tripes, que la prochaine personne qui, à la vue de mon handicap, s’exclamera « Être dans sa situation !? Ah non, mais moi j’pourrais trop trop pas, quoi… » finira écrasée sous les roues du fauteuil roulant auquel elle a tant voulu échapper.

🙏 Dans l’antichambre de la Vie

Parce que, c’est difficile pour moi. C’est difficile de se rappeler ce jour, là, juste avant ma naissance, où j’ai pris la mauvaise décision (manifestement). Où, dans l’antichambre de la Vie, le bon Dieu me convoqua brusquement et me tint à peu près ce langage : « Sans mentir, si votre courage se rapporte à votre frisage, alors, vous serez le tétraplégique de vos hôtes sur cette Terre ». Le Fort-beau et le Reinhard. Évidemment, je n’ai pas hésité longtemps. Ça n’est pas souvent que le (saint) esprit de compétition s’empare de Notre-Père.

"Image d'une œuvre d'art surréaliste représentant un renard anthropomorphique assis dans un fauteuil roulant dans un cadre de forêt pittoresque. Le renard, portant une veste de velours marron et un jabot blanc, affiche un visage expressif avec des traits humains. Le fond de l'image est une forêt automnale avec des arbres et des feuilles dans des tons de vert, jaune et orange. L'ambiance est à la fois mystique et tranquille, évoquant un tableau de la Renaissance.
© Midjourney : "A representation Renaissance of Le Corbeau et le Renard by Jean Delafontaine. Fox in a wheelchair --ar 2:1"

Non, mais sérieusement, peut-on discuter deux minutes de l’idiotie de cette phrase ; « à ta place, moi j’pourrais pas… » Merci. Parce que, moi, on m’a poliment demandé si j’en étais capable, juste avant de rompre partiellement toute connexion entre mon cortex et mon système musculo-squelettique, c’est juste ! Et puis, c’est peut-être même pire quand cette phrase est lancée à mes proches, ma famille, mes auxiliaires de vie. « J’sais pas comment tu fais… »

Bon, soyons réalistes. Cette phrase, comme une incantation vaudoue, on l’a tous, toutes déjà pensée — moi aussi. Et c’est bien normal, nous sommes programmés pour avoir « peur » de la maladie, du handicap, de l’infirmité, de l’inconnu, de la vieillesse quelques fois (Arielle Dombasle a personnellement validé ce dernier propos). Cette peur, elle nous viendrait de nos ancêtres, la préhistoire. On en parlera la semaine prochaine…

👨🏿‍🦲 Mon pauvre noir…

Dans l’immédiat — et même si les incantations vaudoues, et la magopinaciophilie (vous chercherez), ça peut être vachement excitant —, il n’en reste pas moins que ce poncif demeure maladroit, et surtout inimaginable dans d’autres situations. « Mon pauvre Omar, j’sais pas comment tu fais pour être si noir ! Moi, j’pourrais pas… » ; « J'sais pas comment tu fais, en étant si pédé… Ça doit être difficile, courage mec ! »

Ainsi, la politique du « j’sais pas comment tu fais, moi j’pourrais pas, quel courage » s’apparente à dire (tacitement) : « Ta vie, c’est quand même sacrément de la merde, ça doit être un enfer ! » Et ça, même avec toute ma bonne volonté, je suis désolé, mais l’entendre sans cesse, moi j’pourrais pas…

Version Facile à lire et à comprendre (FALC)

Cette semaine, je veux vous dire quelque chose d’important. Je commence avec une grande nouvelle. Voilà, c’est dit. Je dois vous dire que si une personne voit mon handicap et dit : « Oh non, moi je ne pourrais pas vivre comme ça… » elle me rend très triste.

Non, mais vraiment, cette phrase n’est pas gentille. Personne ne m’a demandé si je pouvais vivre avec mon handicap avant qu’il arrive. C’est encore pire quand des gens disent ça à ma famille ou à mes aides.

On a tous déjà pensé quelque chose comme ça, même moi. C’est normal d’avoir peur des choses qu’on ne connaît pas bien, comme la maladie ou le handicap. Nous en parlerons plus la semaine prochaine.

Pour maintenant, même si ça semble étrange ou excitant, ce n’est pas gentil de dire des choses comme ça. Ce n’est pas quelque chose qu’on dirait dans d’autres situations. Par exemple, on ne dirait pas à quelqu’un : « Je ne sais pas comment tu fais pour être noir, moi je ne pourrais pas. » ou « Je ne sais pas comment tu fais pour être homosexuel, ça doit être dur, courage ! »

Dire « Je ne sais pas comment tu fais, moi je ne pourrais pas » revient à dire que la vie de l’autre est très difficile. Même si les gens sont gentils, entendre ça tout le temps, c’est dur.


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