Écritures exclusive·x·s

Écriture inclusive : quand le féminisme exclut le handicap ? Malick Reinhard explore ce sujet « rassembleur », entre points médians rebelles et synthèses vocales perplexes. Rencontre avec Céline Witschard, spécialiste en communication accessible, pour démêler ce nœud gordien linguistique.

Écritures exclusive·x·s
© Mondame Productions
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⏱️ Pour faire court
  • L'usage du point médian en écriture inclusive pose des difficultés de lecture pour les personnes dyslexiques, malvoyantes et utilisatrices de synthèses vocales.
  • Des alternatives existent : le langage épicène, la féminisation des termes et l'usage de doublets (Madame, Monsieur) offrent une inclusivité sans compromettre l'accessibilité.
  • Le défi actuel consiste à concilier la représentation des genres et l'accessibilité universelle dans la communication écrite.

Pour fidéliser le public autour d’une infolettre, il y a une règle d’or (absolue) à suivre. Impérativement. Une seule ! Cette règle, elle est en plus simple, basique : parler de sujets rassembleurs, aborder des thématiques convenues, sans trop de reliefs. Fort d’avoir appliqué scrupuleusement cette consigne, je vous propose de parler cette semaine d’écriture inclusive. Un thème qui, au moins une fois, mettra d’accord tou… tou·te·x·s les lecteur·ice·x·s de Couper l’herbe sous les roues.

Car l’« écriture inclusive » est, comme son nom l’indique, inclusive (le type est un génie)… mais inclusive pour qui, d’abord ? Parce que, même si je soutiens cette démarche, il faut reconnaître que, hormis l’inclusion de genre, qu’il soit féminin, masculin ou neutre, cet usage linguistique contemporain n’est pas tout à fait accessible à une personne atteinte de trouble dys (dyslexie, dysorthographie…), de déficience visuelle, ou qui nécessite simplement l’aide d’une voix de synthèse pour lire. En effet, les liseuses, par exemple, comme nous, sont encore incapables de verbaliser les contractions de mots, telles que « handicapé·e·x·s » ou « citoyen·ne·x·s ». Écoutez donc la prononciation du point médian par une synthèse vocale…


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Bonjour à tous·te·x·s…
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📇 Transcription

« Bonjour à tous·te·x·s. C’est un plaisir de recevoir celleux qui me lisent chaque semaine et vous êtes toujours les bienvenu·e·x·s, aussi nombreux·se·x·s, dans le monde un peu étrange de cette chronique qui vient donner la parole aux handicapé·e·x·s de notre société. Parce que, finalement, ils/elles/iels sont né·e·x·s comme elleux, nous, et jouissent des mêmes droits et devoirs. Ce sont des citoyen·ne·x·s qui doivent être inclu·e·x·s normalement. »


Dans une vaste bibliothèque ancienne baignée de lumière dorée, des femmes en robes longues dansent avec exaltation. Au centre, une femme aux cheveux bouclés et en robe grise lève les bras vers le ciel, son visage exprimant la joie. Autour d'elle, des livres ouverts flottent dans l'air, leurs pages ondulant comme des ailes. D'autres femmes en robes de couleurs variées l'entourent, également en mouvement, leurs cheveux flottant librement. L'architecture de la bibliothèque est majestueuse, avec de hautes étagères en bois, des balcons et une grande arche illuminée en arrière-plan. L'atmosphère est magique et onirique, évoquant la libération par le savoir et la célébration de la connaissance.
Midjourney : "Parchments flying in a feminist manifestation in an ancient library"

Aïe. Le progrès des uns — des un·e·x·s (?) —, ferait-il la rétrogression des autres ? Désormais, l’écriture inclusive, composée du point médian, handicape davantage toute une frange de la population. Si l’on s’intéresse au total des personnes atteintes de handicaps au sens médical du terme, cela représente un peu plus de 20 % des Suisses. Soit environ 1 769 000 personnes, selon la dernière estimation de l’Office fédéral de la statistique (OFS). Un chiffre non négligeable.

⚫️ Des petits points, des petits points… encore des petits points ?

Mais alors, c’est comment qu’on fait pour être féministe et en situation de handicap ? Est-il possible de rendre l’écriture inclusive… inclusive ? Pour obtenir des éléments de réponse, je suis parti à la rencontre de Céline Witschard, spécialiste en information et communication accessibles et ancienne journaliste. C’est entre deux conférences et une semaine de marche dans le Valais qu’elle me reçoit.

Si Céline accepte de s’exprimer sur le sujet, c’est notamment parce que, vivant elle-même avec une déficience visuelle évolutive, l’écriture inclusive truffée de points médians lui pose désormais problème. « Cet usage m’inquiète grandement, parce que le handicap et le féminisme sont deux formes de militantismes qui ne se croisent pas beaucoup. Désormais, les questions de non-discrimination de genre s’installent, au détriment du handicap, alors que ces deux causes devraient collaborer davantage », regrette la Genevoise. Toutefois, cette coopération, viatique d’une inclusion totale, ne semble pas chose aisée, prévient-elle encore. Elle se réjouit cependant qu’une jeune génération s’applique désormais à visibiliser la cause du handicap féministe.

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🧑‍🏫 Sensibiliser les médias et les pouvoirs publics

Mais, très vite, Céline est catégorique: l’écriture inclusive et accessible n’est pas impossible. Au contraire: «Il existe de nombreuses autres façons d’écrire de façon inclusive. Je pense, par exemple, au langage neutre, à la féminisation des mots ou à l’usage des doublets, comme mesdames et messieurs, au lieu de tous·te·x·s». De son côté, le collectif vaudois Ecriture-inclusive confirme que le langage épicène « ne consiste pas simplement à ajouter des terminaisons féminines à la fin de chaque mot et n’est pas une méthode qui aboutit à systématiquement alourdir les formulations et à les rendre difficilement compréhensibles ».

À Genève, l’ancienne journaliste, tente, avec son entreprise Vision Positive, de mettre en pratique les bons conseils en matière d’accessibilité à l’information, sans pour autant mettre au rebut l’écriture inclusive. «Avec l’association féministe Décadrée, nous donnons, depuis février 2021, des formations qui ont pour but de former les entreprises au langage inclusif et accessible, tant à l’écrit qu’à l’oral. Nous encourageons les médias et les pouvoirs publics à s’intéresser à ce paramètre de l’accessibilité dans l’écriture inclusive», se réjouit l’entrepreneure.

Ainsi, et avec quelques bons conseils d’usage, Peter, notre voix de synthèse, peut reprendre :

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Bonjour tout le monde…
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📇 Transcription

« Bonjour tout le monde, c'est un plaisir de vous recevoir chaque semaine, vous êtes de plus en plus à me suivre, et je vous souhaite la bienvenue dans le monde un peu étrange de cette chronique qui vient donner la parole aux personnes en situation de handicap dans notre société. Parce que finalement, elles sont nées comme vous, nous, et jouissent des mêmes droits et devoirs. Ce sont des personnes qui doivent être incluses normalement. »


Version Facile à lire et à comprendre (FALC)

Pour que les gens aiment lire un texte, il faut parler de sujets qui intéressent tout le monde. Cette semaine, nous allons parler de l’écriture inclusive.

L’écriture inclusive veut inclure tout le monde, mais elle n’est pas facile à lire pour tout le monde. Par exemple, les personnes qui ont des difficultés comme la dyslexie (un trouble qui rend la lecture et l’écriture difficiles) ou qui utilisent des voix de synthèse (des technologies qui lisent le texte à haute voix) peuvent avoir du mal à lire des mots comme « handicapé·e·x·s » ou « citoyen·ne·x·s ».

« Bonjour à tous·te·x·s. C’est un plaisir de recevoir celleux qui me lisent chaque semaine et vous êtes toujours les bienvenu·e·x·s, aussi nombreux·se·x·s, dans le monde un peu étrange de cette chronique qui vient donner la parole aux handicapé·e·x·s de notre société. » — Ça, c’est un texte difficile à lire pour certaines personnes.

Voici un exemple de texte plus simple à lire et qui essaye d’inclure tout le monde : « Bonjour tout le monde, c’est un plaisir de vous recevoir chaque semaine. Vous êtes de plus en plus nombreux à me suivre, et je vous souhaite la bienvenue dans cette chronique qui donne la parole aux personnes en situation de handicap. Elles ont les mêmes droits et doivent être incluses normalement. »

En Suisse, il y a beaucoup de personnes avec un handicap, environ 1 personne sur 5. Cela fait beaucoup de gens.

Céline Witschard, qui a une déficience visuelle (ce qui signifie qu’elle a des problèmes pour voir), pense que l’écriture inclusive peut être améliorée. Elle propose d’utiliser un langage neutre ou des mots comme « mesdames et messieurs » au lieu de « tous·te·x·s ».

À Genève, Céline a créé une entreprise qui s’appelle Vision Positive. Elle travaille pour rendre l’écriture inclusive plus accessible. Elle donne des formations pour aider les autres entreprises à écrire de manière inclusive et accessible.


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