Disability schuss
Tandis que les vœux de nouvelle année pleuvent comme la poudreuse tant espérée, Malick Reinhard perpétue sa passion du ski, sans même considérer son handicap. Une tradition familiale qui défie les préjugés sur les pistes. Histoire du handiski, un sport alpin méconnu.

Mais, alors ! Bonne année ! Certains vous souhaiteront la santé (on en a bien besoin), certaines le succès (François Bayrou, en tête ?), et puis d'autres vous crieront qu’ils vous envoient « le meilleur » (on ne sait pas trop ce que c’est) pour la nouvelle année.
J’aurais pu vous l’infliger, mais, comme je n’aime pas trop le conformisme, je me suis dit qu’il serait préférable de vous faire bouffer de la neige. Une bonne tonne de neige. Rien de personnel, toutefois. Ni d’hostile. Juste une manière de fêter l’an nouveau dans la poudre. Vous savez, celle qui est en train de fondre toujours plus chaque année et inquiète les responsables de stations. Non, pas celle qui s’est répandue sur les tables basses peu avant minuit, tout à l’heure. Hier.

🙏 Amen la glisse
Il est une tradition que mes ascendantes et ascendants mènent depuis des lustres : celle d’aller skier le 1er janvier. Tradition on ne peut plus alpine. On ne peut plus chère. On ne peut plus compromise quand le nouveau-né de la famille est incapable de se mouvoir. Quand d’aucuns deviennent tétraplégiques après une bête chute à ski, d’autres, tétraplégiques aussi (mais pour d’autres raisons), glissent sur les lattes avec avidité — le monde est quand même bien fait… Mais, alors, comment peut-on espérer dévaler les pistes quand on est en situation de handicap, et ainsi éviter d’envoyer au casse-pipe une précieuse tradition familiale ?
À lire également…
Sans doute avec le concours d'un dénommé « handiski ». Sport adapté, méconnu, qui permet, depuis un peu plus de vingt ans, aux personnes en situation de handicap, quel qu’il soit, de bouffer de la neige, à égalité avec les autres. Et tout a commencé dans le canton de Neuchâtel. Dieu, pour une fois, n’y est pas pour rien, puisque c’est grâce à lui que Claude-Alain Hofer découvre le handicap, au travers d’une activité catéchétique organisée par sa paroisse.
25 ans plus tard, l’installateur sanitaire de formation est à la tête d’Handiconcept. Une association créée spécialement pour permettre aux personnes âgées ou en situation de handicap de pratiquer le ski. À Villars, dans le canton de Vaud, siège social de l’organisation, on se dit carrément précurseur helvétique en la matière.
À lire également…
🚀 Garantir un maximum d’autonomie
En 1999, au moment où Claude-Alain Hofer souhaite accompagner des personnes en situation de handicap sur les pistes, ici, en Suisse, rien n’existe. Il se rend alors en France, pays qui s’intéresse déjà à la pratique de ce sport adapté. C’est d’ailleurs, toujours aujourd’hui, une entreprise de l’Hexagone qui produit le matériel adapté aux descentes enneigées.
Si je vous dis Tandemski, Dualski, Uniski, hormis une vague racine latine qui vous mettra peut-être sur la voie, vous serez relativement pris au dépourvu. Et ne vous inquiétez pas, c’est bien normal: « Nous rencontrons tous types de handicap dans nos activités, prévient Claude-Alain Hofer. Il est donc important de développer des appareils qui garantissent un maximum d’autonomie à ses utilisateurs. Il a donc fallu en inventer plusieurs. »
Le Tandemski convient particulièrement aux personnes âgées ou à celles présentant des limitations physiques significatives.
Ainsi, le Tandemski s’adapte davantage à une population âgée ou avec d’importantes limitations physiques. Le Dualski, lui, satisfera une population un tantinet plus « mobile » — atteinte de paraplégie, par exemple — et, enfin, l’Uniski est spécialement conçu pour celles et ceux qui, malgré leur déficience, ont la possibilité de skier par leur propre moyen. Le fondateur d’Handiconcept prévient encore que d’autres techniques d’accompagnement existent pour les handicaps cognitifs, sensoriels ou invisibles.
Le handicap invisible, qu'il soit physique, cognitif ou sensoriel, peut impacter significativement la vie quotidienne sans être apparent au premier regard. Représentant 80 % des handicaps diagnostiqués, cette forme de déficience concerne notamment les troubles neurologiques, les troubles dys (dyslexie, dyspraxie, dyscalculie...) ou encore certaines formes de handicaps psychiques et intellectuels. En savoir plus
🎓 Une formation de pilotage et d’accompagnement
Mais alors, comment est-ce que l’on fait pour accompagner une personne qui nécessite l’un de ces appareils ? Pour Claude-Alain Hofer, qui a développé l’unique formation suisse reconnue pour l’accompagnement en handiski, « il faut être d’abord bon skieur, être connu dans la station de travail et, principalement, avoir de la patience et de l’écoute. Ensuite, chaque moniteur suit une instruction de sept jours, dont plusieurs de pratique, pour savoir piloter les appareils et accompagner les personnes. Avant d’autres sessions de “recyclage” que les moniteurs suivent régulièrement, afin de rester à niveau ».
Une fois de retour au téléphérique, toutes et tous seront rémunérés pour leurs heures d’accompagnement. Aujourd’hui, Claude-Alain se félicite de pouvoir accueillir 250 riders et rideuses chaque année, grâce à l’investissement de ses douze monitrices et moniteurs. Prix à l’heure pour une personne handicapée ? 80 francs (env. 85 euros). « Ce qui n’est pas plus cher qu’une heure de descentes avec un moniteur d’école de ski », se défend le Vaudois d’adoption.
On se connaît depuis quasi vingt ans avec Claude-Alain. Celui-ci, avec le concours de huit autres associations spécialisées en Suisse romande, m’a permis d’accéder au ski. Et, ainsi, de ne pas rompre LA tradition familiale. Parce que, franchement, on a déjà connu pire comme coutume. L’été, c’est en parapente et en FTT (Pour Fauteuil tout-terrain) que je retrouve mes camarades des Préalpes vaudoises. En attendant, eh bien, je retourne bouffer un peu de poudre… la table basse, elle, n’étant pas tellement accessible. Allez, une belle année à vous ! Quand te reverraaaiiis-jeee ? — Pays merveilleeeuuux…
Vous avez aimé cet article ? Même si cette infolettre est gratuite, un petit geste symbolique contribue à assurer la pérennité de Couper l’herbe sous les roues et permet de maintenir ce rendez-vous accessible à tout le monde. Merci du fond du cœur pour votre soutien !